Correction du sujet :Bac S 1999   Polynésie   (juin 1999)Enoncé
Évolution des populations de Phalènes




Conseils généraux pour la rédaction d'un devoir :

Il est important de bien lire le sujet et de prendre connaissance des documents avant de commencer le travail. Un travail s'articule autant que possible autour d'un plan apparent, qu'il faut déterminer dans un premier temps. Le travail doit commencer par une introduction et finir par une conclusion, il ne faut pas oublier des transitions entre les parties. L'introduction doit au moins annoncer le plan utilisé. Il est préférable de savoir à l'avance ce que contiendra la conclusion, elle doit entre autres choses élargir le thème abordé ou les questions posées.

Les termes employés doivent être précis, il faut savoir parfois se garder d'utiliser un mot au sens voisin à la place du terme exact, quitte à multiplier les répétitions. Lorsque des documents sont fournis, on doit chercher à comprendre leur intérêt pour le traitement du sujet : il ne devrait pas à priori y avoir de document inutile.



Conseils spécifiques à ce devoir :

Le sujet est simple et ne devrait pas poser de problèmes, l'ordre des documents suggère un plan pour le devoir. Il faut tout d'abord montrer à quel point les fréquences des phénotypes clair et sombre varient selon le type d'environnement puis proposer une explication.

Ce qu'apportent les documents :

Document 1 : Le document apporte deux types de renseignements. Tout d'abord, il indique que jusqu'en 1848 (début de l'ère industrielle en Angleterre), les populations de phalènes du bouleau (Biston betularia) étaient monomorphes (composées d'individus d'un seul type) du point de vue de la couleur. Ensuite, le tableau fourni montre qu'au début du XXème siècle la situation avait radicalement changé, avec un fort contraste selon le niveau de pollution. Il manque cependant à ce document une information expliquant que le contraste observé est statistiquement significatif et ne peut pas être du aux effets du hasard lors des comptages.

Document 2 : Les résultats d'une expérience de lâcher et recapture et les informations sur la prédation des phalènes par les oiseaux permettent de proposer une explication des différences de répartition observées précédemment. C'est la sélection naturelle exercée par les prédateurs qui favorise les individus mimétiques (qui se confondent avec le support sur lequel ils se posent).

La difficulté essentielle du devoir réside dans l'explication des phénomènes évolutifs : il faut bien comprendre que la sélection naturelle agit sur des caractères préexistant dans les populations et que son effet n'est possible que grâce à l'héritabilité des caractères sélectionnés. Il faut à tout prix éviter d'écrire qu'une variation de caractère apparaît sous l'effet d'une contrainte sélective. Dans le présent sujet par exemple, l'apparition du phénotype noir est fortuite et non causée par la pollution.
Dans la conclusion, j'élargis le sujet en abordant le thème général de la sélection naturelle, illustrée ici par la sélection variable dans l'espace. Il peut-être intéressant de parler de phénomène "source-puits" pour expliquer la persistance d'individus au phénotype inadapté malgré la sélection naturelle.



Correction :


Le cas de la phalène du bouleau est l'une des premières illustrations avérées du phénomène de sélection naturelle. Jusqu'en 1848, on observait en Angleterre des individus de couleur claire uniquement, quand sont apparus les premiers individus sombres. Le phénotype sombre ou clair est déterminé génétiquement par un couple d'allèles notés S (sombre, dominant) et C (clair, récessif). Les documents fournis permettent d'expliquer pourquoi le phénotype sombre allait devenir le phénotype majoritaire dans certaines régions d'Angleterre au début du XXème siècle. Nous allons montrer comment les fréquences de ces deux allèles varient selon les conditions environnementales et quelle pression de sélection agit sur ces allèles.




I - Il existe un contraste élevé dans la distribution des allèles entre les sites selon leur degré de pollution

Le premier document présente la fréquence moyenne des phénotypes clairs et sombres dans les régions polluées ou non au début du XXème siècle. On remarque qu'il existe un contraste élevé entre les sites non pollués où le phénotype clair est le plus fréquent et les sites pollués où le phénotype sombre est majoritaire. On peut déterminer les fréquences  p  et  q=1-p  des allèles S et C respectivement. En supposant que les couples de papillons sont formés au hasard, on doit observer les fréquences génotypiques décrites dans le tableau ci-dessous.

Génotype
S / S
C / S
C / C
Phénotype
Sombre
Clair
Fréquence théorique
2.p.q
Fréquences observées
Régions industrielles
0,95
0,05
Fréquence observée
Régions rurales
0,20
0,80


Dans les régions rurales la fréquence de l'allèle clair (qui était le seul allèle connu avant 1848) est donc :


alors que dans les régions industrielles cette fréquence est seulement de :


Le document ne montre malheureusement pas le nombre de sites ni la taille des échantillons sur lesquels ces fréquences phénotypiques ont été mesurées, mais on peut raisonnablement affirmer qu'un tel écart n'est pas imputable au seul hasard. Il doit exister une pression de sélection en faveur des phénotypes sombres dans les régions polluées, et en faveur des phénotypes clairs dans les régions non polluées. L'analyse du second document permet de déterminer que la prédation par les oiseaux favorise l'un ou l'autre des phénotypes selon que le milieu est ou non pollué.




II - Le mimétisme des phénotypes sur les troncs et la prédation constituent une pression de sélection variable dans l'espace favorisant l'un ou l'autre des deux phénotypes

Le second document présente les résultats d'une expérience de lâcher et recapture de phalènes claires ou sombres dans des milieux pollués on non pollués. Le taux de recapture est mesuré par le rapport capturées/lâchées . Ce rapport, normalisé par le plus fort des deux taux de recapture observés dans un milieu, nous renseigne sur la survie relative des phénotypes sombres et clairs dans les deux types d'environnements. Le tableau ci-dessous regroupe ces taux de survie relatifs. On note qu'en milieu non pollué le taux de survie des phalènes sombre est très faible relativement aux phalènes claires, alors que c'est le contraire dans un environnement pollué.

Taux de survie relatifs des phalènes
Phénotype
Sombre
Clair
Birmingham (milieu pollué)
1
0,47
Dorset (milieu non pollué)
0,34
1


Le document explique que les phalènes passent la journée posées sur les troncs des arbres. L'effet de la pollution sur les phalènes est du à la couleur des troncs de bouleau sur lesquels elles se posent, ces arbres sont selon que le milieu est ou non pollué couverts de suie noire ou de lichens clairs. Le mimétisme naturel des phalènes claires sur les troncs couverts de lichens des milieux non pollués leur permet d'éviter la prédation tandis que les phénotypes sombres sont facilement repérés par les prédateurs ; sur les troncs couverts de suie des milieux pollués, ce sont en revanche les individus sombres qui sont avantagés car ils sont plus mimétiques que les individus clairs.

L'exemple de la phalène du bouleau montre comment la sélection naturelle (ici la prédation par les oiseaux) favorise certains phénotypes (ici des phénotypes mimétiques). Selon l'environnement, les formes mimétiques seront plutôt claires (en milieu non pollué) ou sombres (en milieu pollué). Lorsque le caractère sur lequel s'exerce la sélection naturelle est héritable, la sélection naturelle entraîne des variations dans les fréquences des allèles dans les populations. L'apparition de l'allèle sélectionné n'est en revanche pas provoquée par les contraintes environnementales mais est due au seul hasard des mutations (ou des migrations). Cet exemple illustre les effets de la sélection dans un environnement variable : selon le milieu l'un ou l'autre des allèles est favorisé, mais les deux allèles persistent dans la population totale en garantissant la possibilité de l'adaptation des populations à des conditions locales changeantes.
On remarquera que les populations dans les milieux industriels et dans les milieux ruraux ne sont pas monomorphes : les deux phénotypes sont présents en même temps dans les milieux ce qui reflète vraisemblablement des phénomènes migratoires tendant à uniformiser la composition génétique des populations. Des immigrants qui possèdent un phénotype inadapté dans un milieu s'y reproduisent peu ou pas mais un flux de migration est entretenu par la présence à proximité de milieux favorables à ces phénotypes. Ce phénomène est souvent appelé "source-puits", les milieux industriels ou ruraux constituant respectivement à la fois la source de phénotypes sombre et le puits de phénotypes clairs ou la source de phénotypes clairs et le puits de phénotypes sombres.
Au début de l'ère industrielle en Angleterre sont apparus des individus sombres de la phalène du bouleau. Les premiers individus capturés étaient de véritables curiosités pour les entomologistes, dont certains ont acquis à prix fort quelques-uns de ces spécimens. Cinquante ans plus tard, la forme sombre de la phalène du bouleau était devenue la plus répandue dans les régions industrielles dépréciant ainsi les échantillons acquis par ces collectionneurs. La connaissance des mécanismes de la sélection naturelle aurait permis à ceux-ci d'éviter de faire un si mauvais investissement.



Copyright © School Angels 2000